Société

Lutte contre le tabac : tout tenter pour sauver des vies

Depuis plus de cinquante ans, l’histoire de la lutte contre le tabac est faite de petites victoires et de grandes défaites. Des défaites causées par le cynisme de l’industrie du tabac qui a freiné des quatre fers pour reconnaître la dangerosité de la tabagie. Pourtant, les cigarettiers ont un rôle à jouer pour limiter l’impact du tabac sur la santé et inventer des modèles disruptifs (et moins nocifs) de consommation.

Si le tabac est aujourd’hui considéré comme l’ennemi public numéro un en matière de santé publique, il a fallu attendre les années 1960 pour que la communauté scientifique accouche d’un consensus sur sa nocivité. Longtemps, des recherches sur la dangerosité du tabac ont été volontairement tues et/ou relativisées par les acteurs du secteur, alors extrêmement puissants et utilisant massivement la publicité et le marketing. Il a fallu des décennies, des millions de vies perdues et le zèle de nombreux lanceurs d’alerte, pour que le grand public réalise progressivement que la cigarette est mortelle.

Face à la prise de conscience progressive du public, les industriels ont alors mis en place une stratégie machiavélique qui leur vaut encore, plusieurs décennies plus tard, la méfiance du grand public. Comme la communauté scientifique avait établi que la nicotine était à l’origine de l’addiction au tabac, en la présentant comme l’unique danger de la cigarette, les professionnels ont créé les cigarettes « light », soi-disant moins nocives. Malheureusement, comme l’a expliqué dès 1976 le spécialiste du sujet, le professeur Michael Russel, « les gens fument pour la nicotine, mais ils meurent du goudron. » Cette stratégie jugée par les scientifiques et par les consommateurs comme une supercherie (les cigarettes light sont aussi dangereuses que les autres) aura fini de jeter l’opprobre sur le secteur.

Une nouvelle révolution scientifique s’est donc faite autour du tabagisme, sans les cigarettiers cette fois, avec l’apparition de produits de substitution qui ont permis à de nombreux fumeurs d’arrêter, et probablement de sauver des milliers de vies humaines. Ces produits issus de l’industrie pharmaceutique sont bien connus et toujours vendus aujourd’hui. Il s’agit des gommes, pastilles et autres patchs à la nicotine. Ce tournant marque l’apparition d’une vision de santé publique dite de réduction des risques. Comme les fumeurs sont incapables d’arrêter la nicotine, mieux vaut qu’ils la consomment sans ingurgiter les effluves toxiques de la cigarette.

Ce nouveau marché de consommation disruptive du tabac devrait atteindre un chiffre d’affaires de 22 milliards de dollars d’ici 2024, selon différents experts, grâce notamment à un regain d’activité lié aux nouveaux produits technologiques de consommation de la nicotine (vapote, tabac à chauffer). En effet, ce secteur semblait avoir atteint un plafond de verre ; l’anthropologie, la sociologie, la psychologie ont démontré l’extrême difficulté de la plupart des fumeurs à abandonner la cigarette autant pour l’addiction à la nicotine que pour la sensation de fumer et de mise à la bouche de l’appareil. De quoi comprendre le succès de ces nouveaux outils.

Pourtant, ces derniers ne font toujours pas l’unanimité et leurs fabricants généralement issus des grandes firmes de cigarettes, peinent à convaincre à cause de la méfiance suscitée par l’industrie du tabac depuis sa création et amplifiée par la création des cigarettes light. Les opposants de ces nouveaux produits font d’ailleurs le parallèle avec les cigarettes light, estimant qu’il s’agit d’un nouveau moyen détourné de fumer qui pourrait même inciter des jeunes à se mettre au tabac.

Les scientifiques du monde entier (Food and Drug Administration américaine, Institut fédéral allemand pour l’évaluation des risques, British Committee on Toxicology…) s’accordent pourtant sur la diminution de l’impact de ces produits sur la santé (autour de 90% moins dangereux que les cigarettes normales, selon les études). Dans cette situation baptisée le « paradoxe du tabac » par les observateurs, les premiers responsables du drame sanitaire causé par le tabagisme sont également ceux qui ont entre les mains l’un des remèdes à ses dégâts.

A cause du passé des cigarettiers, mais aussi de la diffusion de l’information sous l’ère numérique, où les médias sont plus enclins à publier des articles anxiogènes sans sources scientifique, que des dossiers de fonds documentés, les modèles disruptifs de consommation du tabac suscitent encore la méfiance des fumeurs. Un problème que les responsables des campagnes de santé publique devront résoudre afin d’endiguer les millions de morts causés par le tabac chaque année.

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Mathilde

J'aime le shopping, la cuisine, la décoration, la mode, etc... Je me suis donc lancés fin 2017 dans ce blog Ideemag.com afin de partager mes astuces et mes conseils avec les internautes !

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